En ces temps complexes – au moment de l’écriture de ce texte nous sommes le 16 juin 2024 –, que certains diront comme troublés, nous éprouvons le besoin de livrer une version intermédiaire, et donc ajustée, d’un texte encore en préparation sur les qualités démocratiques de l’éducation artistique « moderne »[i].

La démocratisation de l’accès aux arts et à la culture est une politique publique, maintenant d’assez longue histoire. Le Comité d’histoire du ministère de la Culture avait, en 2012, produit un précieux document[ii] pour éclairer ce long chemin. Au-delà d’un ancrage dans le temps long, il convient de se rappeler que le partage, avec tous et entre tous, des œuvres de l’esprit et des lieux d’art et de culture n’est pas de génération spontanée. Il ne va pas de soi, s’apprend et se cultive précieusement. Il doit encore déjouer ou surmonter, sinon seulement des préjugés, encore bien des représentations et des réalités sociales[iii].

Ce partage relève d’une ambition pour la société et d’une volonté politique. Au-delà des alternances gouvernementales, elles furent souvent transpartisanes et dans une continuité depuis bientôt quarante ans.

Ouvrir les citoyens, reconnus comme libres acteurs de leur culture, à la pluralité de libres créations – et à la profondeur du temps qui a formé ce pluralisme – s’avère finalement une conception assez moderne. En idées et en manière d’agir, cette volonté et ce mouvement ne sont vraiment pas du même ordre que d’orienter idéologiquement et fortement le regard comme l’attention vers certains types de réalisations, prescrites selon des normes strictement morales ou conformes à un dogme. 

Nous évoquons ici le fait de masquer (rendre invisible ?) ou de déconseiller (ne plus transmette ?) ou de dénigrer (ridiculiser ?) certaines créations de l’esprit sous l’empire, non seulement de normes (ré)édictées, mais plus précisément d’une conformité à un récit particulier imposé, présent ou à venir, portant sur ce qui doit faire ou à qui sert ou à quoi sert l’art, les œuvres, la culture ? 

En somme, dans tout cela, l’éducation artistique – et culturelle – « moderne » est-elle compatible au moindre renoncement démocratique ? Assurément non, sinon elle devient autre chose. Une doctrine au service ?


[i] Ce texte en préparation viendra peut-être, dans quelque temps.

[ii] La démocratisation culturelle dans tous ses états, Comité d’histoire du ministère de la Culture, https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.culture.gouv.fr/Media/Nous-connaitre/Decouvrir-le-ministere/Histoire-du-ministere/Files/Democratisation/Ecrits-sur-la-democratisation-cult&ved=2ahUKEwiZ25mBud-GAxWXcKQEHRjzBQUQFnoECBgQAQ&usg=AOvVaw34jV5aiqjOUjCrtDJJGPpu

[iii] Par exemple, les liens supposés entre jugement de goût et types d’éducation, l’idée d’une haute culture comme capital pour les seules élites, le sentiment que l’art n’est pas pour soi, les empêchements idéologiques ou moraux, la minoration voire l’absence des arts et de la culture dans certaines formations, etc.

 


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L’auteur

Christian Vieaux est un expert institutionnel en enseignements et éducation artistiques. Il vit et travaille en France.